Le premier numéro de ce treizième volume de la revue Mens, dont j’ai le plaisir d’être le directeur, propose d’abord un dossier abordant les relations du Québec avec le passé des « autres ». Non pas la France, l’Angleterre ou les États-Unis, ces figures à la fois familières et étrangères, mais plutôt l’Amérique latine, l’Afrique et l’Inde. L’étude de ces régions, au départ emblématiques d’un exotisme dépaysant et ensuite traversées par la vague de décolonisation, ouvre la porte à une réflexion transnationale qui permet non seulement de réfléchir à la place du Québec sur la scène internationale mais aussi, et surtout peut-être, de s’interroger sur l’utilisation de l’histoire internationale dans la définition identitaire québécoise d’avant la Révolution tranquille.
En accordant une attention particulière à l’historiographie récente du Québec, Maurice Demers examine la représentation de l’Amérique latine chez certains auteurs québécois de l’entre-deux-guerres, cherchant à démontrer qu’elle a donné lieu à une connexion politique et idéologique favorable aux luttes anti-impérialistes. Éric Desaultels s’intéresse par la suite au « rapport développé par les missions canadiennes-françaises face à la colonisation et à la décolonisation des territoires africains entre 1900 et 1968» , une période marquée par une évolution importante du discours missionnaire. Enfin, Serge Granger conclut le dossier avec un article portant sur la présence et l’influence du cas indien dans l’évolution du nationalisme canadien-français.
Nous retrouvons également dans ce numéro deux répliques à une note critique de Jacques Rouillard à propos de l’ouvrage d’Éric Bédard, Recours aux sources. Dans sa mise au point, Gérard Bouchard précise notamment sa position historiographique en regard de la Grande Noirceur, alors qu’Éric Bédard propose une réplique franche et sentie dans laquelle il souligne comment cette Grande Noirceur, tant décriée par Rouillard, demeure, et cela malgré les travaux de plus d’une génération d’historiens, un mythe tenace dans l’imaginaire collectif québécois. Dans cette livraison, nous renouons également avec l’édition de documents, Mathieu Noël nous présentant une lettre du journaliste et animateur de radio Louis Francoeur, adressée au général de Gaulle en 1940 et écrite peu après l’armistice français.
Bonne lecture!