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Projets en cours

Lire la ville à travers ses journaux : Montréal et sa presse à grand tirage (1884-1929)

Lorsqu’on parcourt les notes de bas de page de leurs études, on constate rapidement que les journaux sont omniprésents dans les travaux des historiens de la ville qui les utilisent fréquemment pour compléter un corpus particulier, ou comme fenêtres à travers lesquelles saisir un objet historique spécifique ou ses représentations. Ils font alors généralement l’objet d’une analyse critique assez limitées, mettant par exemple en relief la subjectivité propre aux journalistes, ou encore les biais qui résultent des intérêts commerciaux des entreprises que sont d’abord et avant tout ces publications. Pourtant, même s’il existe une vaste historiographie sur la presse et le journalisme en Amérique du Nord, peu d’historiens de la ville se sont penchés sur les rapports qui existent entre la presse à grand tirage et le monde urbain dans lequel elle prend forme à la fin du 19e siècle. Ils ont plutôt tendance à surtout voir dans les journaux de simples sources d’information, et non des acteurs à part entière de la société urbaine.

L’objectif général du projet de recherche « Lire la ville à travers ses journaux : Montréal et sa presse à grand tirage (1884-1929) », financé par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), est de contribuer à combler cette lacune en menant une étude des principaux rôles joués par la presse à grand tirage dans un grand centre métropolitain. Pour y arriver, nous étudions le rôle des journaux :

  • comme institutions urbaines à part entière (comme entreprises et comme réalités matérielles dans le tissu urbain); 
  • comme acteurs dans les grands débats politiques qui agitent la société urbaine; 
  • comme vecteur à travers lequel se construisent d’influentes représentations des quartiers de la ville et de ses ambitions métropolitaines; 
  • et, enfin, comme source d’informations pratiques pour ce citadin qui souhaite s’y retrouver dans ces métropoles industrielles en transformation qui caractérisent la période étudiée.

Au début du 20e siècle, même s’ils sont des entreprises privées, les journaux à grand tirage sont devenus, aux yeux de bien des citadins, de véritables services publics aussi essentiels que l’eau, l’électricité ou le transport en commun. Au 21e siècle, mis à mal par la montée des médias électroniques, les journaux sont l’objet de débats fondamentaux sur la nature de l’information et sur ce caractère essentiel de certains médias. Alors qu’on discute de leur financement, il est plus essentiel que jamais de comprendre d’où ils viennent, comment ils se sont structurés et ont évolués à la fois comme entreprises et comme institutions dans la société métropolitaine (et au-delà). Notre projet permettra de bien documenter ces questions dans une perspective historique.

« Une autre aventure extraordinaire du DOMINO NOIR » : littérature populaire et représentations de l’urbanité au Québec (1944-1964)

« Du sang, de la terreur, de la mort » : c’est ce qu’on promet en 1944 en conclusion du premier épisode des « aventures extraordinaires du Domino Noir » à ceux qui voudront se procurer le second numéro de cette série, intitulé Le corbillard macabre. Dans les deux décennies qui suivent, ce sont plus de 900 numéros de la série qui sont distribués à travers le Québec. Cette série coexiste alors avec bien d’autres collections de fascicules destinés à un lectorat d’adolescents ou de jeunes adultes et touchant à une assez vaste variété de genre allant des romans d’amour aux histoires de cowboys.

S’inscrivant résolument dans le genre du roman policier populaire, s’abreuvant à différentes sources et inspirations qui vont probablement des aventures du « Shadow » de Walter B. Gibson aux histoires de détectives endurcis de Raymond Chandler et Dashiell Hammett qu’on peut lire alors dans le magazine pulp Black Mask, les aventures du Domino noir sont au cœur du projet « « Une autre aventure extraordinaire du DOMINO NOIR » : littérature populaire et représentations de l’urbanité au Québec (1944-1964) ». En nous intéressant aux aventures de ce justicier masqué, notre objectif est double :

  • D’abord, explorer à travers cette source méconnue la question de la diffusion de la culture américaine au Canada et au Québec. S’il existe différents vecteurs de diffusion de la culture américaine au sein de la société québécoise, on a ici affaire à un cas intéressant d’appropriation des conventions d’un genre littéraire particulier.
  • Ensuite, revisiter la problématique de l’entrée tardive de la ville et de la banlieue dans l’imaginaire littéraire québécois. Les fascicules, et notamment les aventures du Domino Noir, représentent clairement un vecteur méconnu de diffusion d’une culture urbaine québécoise (et d’une imaginaire urbain québécois), et ce, bien avant la Révolution tranquille.