« L’une des manifestations les plus touchantes du IIIe centenaire aura été, sans doute, l’hommage qu’ont voulu rendre aux fondateurs de Ville-Marie les Néo-Canadiens catholiques, c’est-à-dire les étrangers qui ont acquis droit de cité à Montréal depuis le début du siècle »: comment imaginer un meilleur révélateur de l’ouverture très limitée des fêtes du tricentenaire à l’altérité? Si les anglophones de Montréal et certains représentants de la communauté juive ont participé à un petit nombre d’événements du tricentenaire, cet hommage est le seul espace qui sera ouvert aux autres communautés « néo-canadiennes » de la métropole. Et, évidemment, cette ouverture se limite à ceux qui appartiennent à l’Église catholique. Ce sont donc des représentants des treize paroisses « nationales » de Montréal qui sont appelés à rendre hommage à Ville-Marie lors de cet événement organisé dans ce qui deviendra officiellement le parc Jeanne-Mance par la suite. On identifie ainsi Italiens, Syriens, Hongrois, Allemands, Lithuaniens, Polonais, Chinois, Tchécoslovaques et Ukrainiens (en spécifiant que trois de ces communautés sont plus rattachées à l’Église d’orient). Notons également, parmi ces « Néo-Canadiens », la présence de représentants de la communauté autochtone de Kahnawake (issus de la « mission iroquoise catholique de Saint-François-Xavier »), communauté qui est tout sauf « Néo-Canadienne ». Le « sous-comité des Néo-Canadiens » qui a vu à la préparation des fêtes est d’ailleurs dominé par un exécutif composé surtout de clercs canadiens-français et on a l’impression que l’événement est surtout destiné, comme l’explique le secrétaire des fêtes, à « donner du pittoresque » au tricentenaire.
L’hommage du 31 s’ouvre donc sur une messe qui, malgré sa moindre ampleur, se déroule au même endroit que celle, beaucoup plus spectaculaire, du 17 mai précédent. Fait notable, cette messe catholique est suivie d’une messe célébrée selon le rite orthodoxe et dirigée par le curé de la paroisse syrienne de Montréal. Malgré l’exclusion explicite des non-catholiques, le sermon bilingue offert aux participants par le révérend père W. X. Bryan mise sur la solidarité multiculturelle:
Le spectacle qui s’étale devant nous ne serait possible nulle part ailleurs de nos jours. Que des représentants d’une douzaine de nations diverses, non pas quelques dignitaires choisis pour participer à une fonction officielle, mais des centaines de citoyens avec leurs familles puissent s’assembler paisiblement et prendre part en harmonie complète à une cérémonie telle que celle-ci, voilà ce qui, malheureusement, ne se voit plus en ces jours assombris par une guerre fratricide quasi-universelle.
De manière peu étonnante, Bryan explique que ce miracle est rendu possible par la foi qui les unit, foi sur laquelle a été fondée Ville-Marie. L’après-midi du 31 est consacrée à une fête populaire incluant activités sportives et musicales, et permettant de mettre en scène costumes et danses traditionnelles de plusieurs des communautés présentes. Les journaux ne manquent pas de souligner que plusieurs des communautés représentées cet après-midi-là appartiennent à des nations qui se trouvent au coeur de la conflagration de cette Seconde Guerre mondiale.
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