La biographie (de Papineau), l’individu et l’histoire

J’ai récemment eu le plaisir de lire le petit essai d’Yvan Lamonde et Jonathan Livernois, Papineau. Erreur sur la personne. Heureux hasard, et il s’agit bien d’un hasard, mon séminaire de cette semaine traite de la place de l’individu dans la production de l’histoire, du statut des biographies, qu’elles soient individuelles ou collectives. L’ouvrage de Lamonde et Livernois n’est évidemment pas une biographie du célèbre patriote, mais une réflexion éclairante sur les récupérations politiques du personnage.
Au fil des pages, les auteurs se demandent toutefois où est cette biographie de Papineau qui permettrait, notamment, de dissiper un certain nombre de malentendus sur le personnage. Pourquoi n’a-t-elle pas été écrite? Le personnage est bien connu, occupe indéniablement une place de choix dans l’histoire du Québec et a laissé derrière lui une quantité considérable de documents (dont une bonne partie est éditée). Ajoutons, et ce n’est pas rien, qu’un tel ouvrage se vendrait bien. Ce n’est pas la première fois que la question est soulevée et elle permet certainement d’ouvrir la porte sur une discussion sur la place de la biographie en histoire (québécoise).

Mentionnons d’ailleurs que la Revue d’histoire de l’Amérique française a consacré, il y a quelques années, un dossier intéressant sur le sujet, dossier qui permettait de mesurer l’inconfort que soulevait la démarche biographique chez les historiens patentés du Québec (ce qu’a d’ailleurs noté Claire Dolan dans son intervention dans le dit dossier).

Enfin, pour donner aux étudiants un bref aperçu des différents tons de la biographie au Québec, hier et aujourd’hui, je me suis muni d’un solide quatuor d’ouvrages:

  • Papineau, de Robert Rumilly (1944)
  • Duplessis, de Conrad Black (1977)
  • Jacques Parizeau, de Pierre Duchesne (2001)
  • Éva Circé-Côté, d’Andrée Lévesque (2010)

De plus, je leur ai fait lire l’article classique de Lawrence Stone sur la prosopographie, celui de Giovanni Levi sur les usages de la biographie et un extrait de l’ouvrage d’Andrée Lévesque consacré à Jeanne Corbin. On verra si je peux en convaincre un de s’attaquer à l’illustre patriote…

2 réflexions sur “La biographie (de Papineau), l’individu et l’histoire

  1. Intéressant. Je me demande ce qu’une mise en abyme amusante donnerait avec le Robert Rumilly de Nadeau – où le biographe devient biographé.

    Je me suis aussi souvent demandé si le désir, déjà ancien, de généalogie au Canada français / Québec n’a pas occulté d’une certaine façon la possibilité de faire un exercice du style de Corbin et sa biographie d’un inconnu (Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot), qui aurait permis l’alliance de l’histoire sociale et de la biographie.

    Je serai curieux de connaître le résultat en classe.

  2. J’avoue que je n’avais pas pensé à l’ouvrage de Nadeau, qui aurait effectivement pu nourrir une réflexion intéressante sur le biographe biographé!

    Cela dit, la question de l’absence d’une biographie récente de Papineau a permis d’élargir la réflexion et la discussion sur la place de cette approche dans l’historiographie. Le livre de Corbin a également été évoqué en classe hier au fil de la discussion (je dois confesser que je n’en connaissais pas l’existence) et je dois avouer que j’ai été agréablement surpris par l’étendue des questions sur lesquelles ouvrent toute la question de la place de l’individu en histoire. Les étudiants étaient au rendez-vous avec une bonne panoplie d’exemples à partir desquels réfléchir.

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